La philosophie de l'instruction de Pierre Pellier

http://csvva.free.fr/bolino/portrait.htm

Voici un extrait de l'article de Gil Roy sur : "la philosophie de l'instruction" de Pierre Pellier, chef - pilote légendaire de Challes des Eaux: le titre de l'article se trouve dans:

 

Portrait fidèle et reportage très sincère de Pierre Pellier écrit par Gil ROY, publié dans le magazine Vol à Voile
du mois de Septembre 1996.



Pierre Pellier est né à Dijon en 1936. Avec son allure athlétique et ses cheveux grisonnants bouclés, il porte bien ses soixante printemps.....

 

.... Sur le terrain, l'ambiance a gagné en sérénité, et aujourd'hui l'instructeur qui hurle en piste ne passe plus inaperçu, d'autant que c'est le genre d'attitude qu'exècre Pierre : "On a longtemps été persuadé que le meilleur moniteur était celui qui criait le plus fort. C'est faux...... Pierre a sans doute des réminiscences de ses débuts. Pour lui qui a placé la formation au-dessus de tout, la qualité de la relation entre l'élève et l'instructeur est primordiale. C'est la raison pour laquelle il a mis en place une organisation remarquable. " Tous les maux du vol à voile viennent d'un manque cruel d'organisation... "


Pour que la formation soit efficace, Pierre estime que chaque élève doit être attaché à un instructeur. Il refuse l'abattage : le moniteur qui ouvre sa verrière à peine posé et qui, de sa place arrière, crie "Au suivant ". Il a instauré une nouvelle façon de moniter qui a fait ses preuves. En début d'année, le chef-pilote réunit son équipe pédagogique composée d'une trentaine d'instructeurs. En fonction des disponibilités de chacun, à la fois du temps global à consacrer au club et surtout des jours de semaine, il affecte à chaque instructeur un certain nombre d'élèves (ceux-ci ayant, de leur côté, fait connaître leur emploi du temps). Cette organisation, qui prend en compte les contraintes de chacun, est, d'une certaine manière un coup porté à la dictature des cumulus. On admet implicitement que le vélivole puisse avoir une vie en dehors du vol à voile, et que, moyennant quelques arrangements d'ordre matériel, tout le monde y trouve son équilibre.



Au CSVVA, l'école est, en fait, la somme d'une trentaine de petites unités pédagogiques autonomes. Toutes appliquent la même méthode d'instruction. "Une fois par an, nous nous réunissons pour redéfinir une ligne directrice et nous accorder sur les grands thèmes structurants. Nous nous mettons d'accord sur les détails. il nous arrive même de voter pour mettre tout le monde d'accord. Il est capital qu'il y ait une cohérence en matière de formation". Pierre a toujours été attentif au fonctionnement de ces binômes : "De manière informelle, en dehors de cette grande réunion, je parlais avec les instructeurs de leurs élèves. J'observais sans espionner et quand je sentais qu'il n'y avait pas d'atomes crochus entre eux, je n 'hésitais pas à opérer des changements".


Un animateur hors pair

C'est sur la qualité de la formation que repose, au niveau des clubs et du mouvement dans son ensemble, l'avenir du vol à voile. C'est le credo de Pierre Pellier. " Aujourd'hui, le vol à voile est menacé par la baisse du nombre de jeunes. Nous sommes tous responsables de cet état de fait. Il ne suffit pas d'aller chercher les gens, il faut savoir les accueillir et les encadrer pour qu'ils se sentent bien sur un terrain de vol à voile. Le problème est qu'on a un peu trop tendance à mépriser tout ce qui n'est pas pilote de haut niveau ! "



Et Pierre d'évoquer sa découverte de la plongée sous-marine. Il a été marqué par l'attention dont il a été l'objet lors de la première plongée. Le moniteur, mais aussi les autres plongeurs se sont intéressés à lui, à ce qu'il avait ressenti. Les pilotes de planeur ont encore du chemin à parcourir avant d'en arriver là. Pourtant, ils ont des atouts en main. "Un jour, j'ai reçu une lettre de remerciement d'une personne que j'avais fait voler quelques jours plus tôt. Elle était adressée au "montreur de merveilles"... On a oublié qu'on avait toutes ces merveilles, et on a tendance à les garder pour soi". Il faut aller au devant des individus et ne pas perdre de vue que le vol à voile, ce n'est pas simplement le planeur, mais des hommes. Pour Pierre, ce n'est pas qu'une belle phrase, c'est une réalité qu'il vit à chaque instant. On le sent disponible, attentif au moindre problème.



Avec une immense bienveillance dans son sourire, il va vers les gens. Il leur donne l'impression qu'ils sont importants. "En chaque personne, il y a des défauts et des qualités. Cela ne sert à rien d'enfoncer quelqu'un. J'ai vu des élèves ne jamais revenir après une engueulade parce qu'ils avaient raté un atterrissage... Au contraire, si tu es capable de voir ses points forts, il faut l'aider à s'en servir". Il aime les autres et cultive les relations humaines, en s'efforçant constamment de montrer de l'intérêt pour chacun. "Il faut voir le petit gars tout seul dans son coin et essayer de comprendre ce qui ne va pas". Pierre Pellier a géré les 300 membres du club comme s'ils n'étaient qu'un.



Au CSVVA comme ailleurs, les difficultés ne manquent pas : les vélivoles savoyards ne sont pas différents des autres. Ils ont leurs états d'âme, et ne sont ni plus ni moins contestataires. Pierre a dû y faire face, quand une décision est juste, elle est difficilement contestable, et la mauvaise foi finit toujours par battre en brèche. Pierre Pellier est solide, et il a tiré de sa longue expérience de chef-pilote la certitude qu'il fallait toujours être non seulement présent, mais surtout disponible.



Le chef-pilote de Challes s'est évertué à ne pas se laisser enfermer dans son bureau, parce que c'est en piste que l'action se déroule. Et ce n'est ni par coquetterie, ni par négation du progrès qu'il a refusé que le starter soit doté d'un téléphone mobile, mais par crainte d'y perdre en disponibilité. Pierre se nourrit de cette relation à l'autre. "Un homme seul, même avec des qualités, n'est qu'un homme. Si tu parviens à ramasser autour de toi une équipe, alors tu peux bousculer les montagnes



Dans la morosité ambiante qui baigne le vol à voile français, Challes-les-Eaux fait presque figure d'anachronisme. Le club tourne bien et les effectifs sont stables, ce qui, dans le contexte actuel, relève de la performance. Il y a deux ans, le club est passé devant Vinon au classement fédéral. Même si Pierre prétend que la logique est bafouée, il est intimement satisfait. Cette place d'honneur, il l'a méritée amplement. Bien sûr, elle est le résultat du travail d'une équipe soudée. Mais celui qui fut chef-pilote pendant vingt saisons est un remarquable animateur qui a su imprimer sa marque, incontestable, perceptible. Le CSVVA a une âme. Ce n'est pas seulement un club où l'on vient voler. Une large proportion de ses adhérents viennent, chaque week-end, des départements limitrophes de la Savoie. Ils ont fait le choix de Challes.


Car le CSVVA a une philosophie qui donne l'impression qu'on n'y fait pas que voler. On tend vers un but. Pour Pierre, la formation est gage de sécurité et de performance.

Il l'a donc voulue permanente. Elle ne doit pas s'arrêter le jour du brevet : à chaque étape, le pilote est accompagné, encadré. Cette conception de l'évolution de sa carrière se traduit dans la composition de la flotte du club.


Ainsi, le CSVVA possède une dizaine de biplaces, de l'ASK-13 pour l'ab-initio, à l'ASH-25 (le club en a deux) pour les vols au long cours, en passant par le "Janus", le "Marianne" et l'ASK-21 pour l'apprentissage de la campagne. Il existe ici une culture du circuit. Elle se concrétise par des milliers de kilomètres et des vols records, sans oublier une troisième place à la coupe fédérale. "Quand je suis arrivé en 1977, les pilotes venaient juste de découvrir la Suisse. Actuellement, ils vont virer en Autriche. Demain, ce sera peut-être la Hongrie...... Pour le club, l'objectif présent est de développer la compétition. C'est une autre école, qui permet de progresser : "La compétition, c'est le dépassement de soi. On essaye de tirer le meilleur de soi-même et de la machine. On arrive à faire des vols intéressants des jours où il ne viendrait pas à l'esprit de sortir un planeur du hangar".



"Les pilotes d'ici aiment bien les Alpes. En plaine, ils sont perdus. Quand ils ont un terrain de jeu comme le nôtre, il est difficile de leur expliquer l'intérêt d'aller voler ailleurs". La montagne est belle, mais parfois dangereuse. Au cours de sa vie de chef-pilote, Pierre a eu évidemment à faire face à des instants pénibles. Cet homme a solide a assumé la lourde responsabilité qui incombe à un chef-pilote d'une plateforme animée, orientée vers le vol en montagne. "La responsabilité ne doit pas faire peur. Le vol à voile est une activité à risque et il y a des règles à respecter. C'est lorsque la rigueur fait défaut que l'on bascule du risque vers le danger". Pour Pierre, la responsabilité morale passe avant la responsabilité civile. "Certes, il faut respecter la réglementation, pour ne pas s'exposer à des poursuites, d'autant qu'aujourd'hui les gens deviennent coriaces. Mais il ne faut pas être obsédé, ou bien on ne fait plus rien. J'ai toujours réussi à faire abstraction".

Gil ROY.

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