citation de Francis Marmande...sur le vol à voile
Les toiles d'Alan Davie, bientôt 88 ans, gaillard, on peut les voir dans les plus grands musées du monde, à New York, Boston, Londres, Tokyo, dans les collections de Peggy Guggenheim (Venise) ou celles de la Fondation Maeght. Ce qui rend son exposition, du 5 juin au 28 juillet, galerie Gimpel & Müller, d'autant plus excitante ("L'énigme du chamane", peintures récentes, 12, rue Guénégaud, Paris 6e). Faute de l'aborder de face, marchons de guingois. Face aux planeurs, par exemple. Car Davie serait pilote de planeur, vélivole. Aggravons son cas : il a, dans les années 1970, joué, enregistré, avec les fous de la scène free-jazz de Londres (Tony Oxley, Barry Guy). Ne nous égarons pas.
La bagnole, tout le monde croit connaître. Le planeur, pratiquement personne.
Le planeur relève de l'intimité sèche avec
l'invisible. Précision, souplesse, jubilation, peur, éveil. Dans l'habitacle, le vent siffle ses petites chansons glaçantes. On te croit toujours en plein monde du
silence.
Tu parles. Sculptures volantes sans pardon. Un avion, vous pouvez toujours le piloter aux instruments, au moteur, par à-coups ou rallonges, bref, en
truquant.
Le planeur, lui, ne vous passe
rien. Soit vous reprenez la mandoline, c'est bien aussi, soit vous devinez ce qui ne s'apprend jamais : "piloter aux fesses", sentir les ascendances dans le ventre. Le corps te dit tout, relief, nuages, plus ces colonnes d'air chaud que personne ne voit : à toi d'entendre.
A l'époque où je volais beaucoup, dans le piémont des Pyrénées, ce paradis terrestre, j'ai dû fuir. Le
mieux qu'on puisse faire avec les paradis, c'est les fuir.
Ainsi, je me retrouve bossant à Edimbourg. J'entre au hasard d'une galerie. Nous sommes en 1967. Je reconnais immédiatement ce que je ne connais pas :
les peintures d'Alan Davie. Pourquoi ? Parce que dans Blow Up, d'Antonioni (1966, musique d'Herbie Hancock), aux murs du photographe, dans son studio, ce sont des toiles d'Alan Davie qu'on
voit.
Courriel : marmande@lemonde.fr.